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  • Moi et ... le cas 50 Shades

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    Je m'étais promis de ne jamais écrire sur ce livre.... plein de gens l'ont fait en bien, en mal... en disséquant de long en large, en se pâmant , en faisant des analyses socio-sexo-historico-littéraire et autres. Je m'étais dit que je n'allais pas apporter ma pierre à l'édifice déjà, ni lui faire de pub....
    Mais voilà.... ce phénomène m'interroge, et encore plus avec la sortie du film.


    Mettons les choses au point. J'ai lu le tome 1... en VO (un peu) et en VF (en entier). Ce fut laborieux. Il n'y a pas de style, tout est écrit à la première personne mais comme c'est une narration casse-gueule, l'auteure n'évite aucun des écueils.... on change de registre de langue dans une même action sans aucun but, il y a de nombreux dialogues.... bref, tous les écueils d'un récit de débutant, le genre de choses qu'on trouve dans une rédaction de 3ème et pas dans un récit publié. Le genre d'écueils que l'on retrouve abondamment aussi, comme c'est étrange, dans les fanfictions. Parce que oui, écrivain c'est un métier, et pas un passe-temps. Ce qui ne m'empêche nullement d'apprécier les auteurs de fanfic, parce que je comprends qu'on ai envie de s’approprier des personnages... et puis, pour devenir écrivain, il faut s'entrainer, et la fanfiction est quand même l'entrainement de base (la différence de nos jours c'est qu'on peut partager ça avec plein de monde et que ça peut nous aider à progresser).

    Mais là n'est pas le sujet. Le sujet c'est que plein de gens ont trouvé le livre nul, mais comme il a eu du succès il a été adapté en film et on est encore obligé de se le bouffer... accessoirement, la vidéo du monsieur résume parfaitement ce que je pense (sauf pour Pacific Rim, parce que j'adore Pacific Rim, et que je suis une fille et que j'aime autant les romances que les robots géants pour me détendre namého!)


    Nan moi ce qui m'interroge, c'est les conversations que j'ai eu parfois. Pour vous posez la chose, je lis de la romance, entre autre. La romance c'est un genre dont la trame principal c'est une histoire d'amour. Parce que je travaille avec des enfants, je lis aussi énormément de littérature jeunesse aussi bien album que roman. Qu'est-ce que le point me diriez vous?
    Le point c'est que la littérature jeunesse est un univers extrêmement vaste, avec des publications, comme dans le reste de l'édition qui vont du franchement nul à la pépite magique. N'importe qui qui a fait un tour à un Salon du Livre Jeunesse (en particulier celui de Montreuil que je connais bien) peut en témoigner.
    En littérature jeunesse, comme en littérature pour les grands, vous avez aussi bien les éditeurs qui vont chercher la bonne histoire, qui vont vous publier des choses magiques et magnifiques.... que celui qui va enquiller les publications bateaux et les franchises diverses pour se faire du blé. Des fois, le même éditeur fait les deux.
    En littérature jeunesse, vous parcourez certains albums, certains livres en vous disant "no way, je ne bosse pas sur ce truc", et puis vous retrouvez vos élèves vous le ramenant en livre à lire en classe, ou l'empruntant à la bibli... Hello toutes les adaptations de Disney en album, les Violetta, les Legomachin et autres séries/franchises. C'est même pas qu'ils sont mauvais, c'est qu'ils sont creux. Mais ils sont édités par de gros éditeurs, et le marketing est un truc formidable....
    En littérature jeunesse, vous avez des relectures du Petit Chaperon Rouge qui, sont des monuments de drôlerie ou de poésie, des romans qui sont des bijoux de finesse... et le truc magique, c'est que vous êtes la maîtresse, et que vous les présentez aux élèves et qu'ils adorent, et qu'ils lisent Violetta, mais adorent Momo petit Prince des Bleuets... En littérature jeunesse, vous pouvez quand même faire un gros fuck au marketing... et les gens vous applaudissent.

    En littérature pour les grands, celle que vous consommez pour vous même... ben que dalle.
    En littérature pour les grands quand on commence à vous parler de 50 nuances de Grey, pour vous dire que c'est trop sexe, et que l'histoire d'amour est trop bien, et que ok c'est moyen bien écrit, mais ça fait rêver tout ça non? et que vous avez un sourire moyen crispé, on s'étonne:
    "tu l'as lu?
    - ben oui
    - t'as pas aimé?
    - ben non c'est nul.
    - Ouais mais bon c'est une histoire d'amour, c'est pour rêver, et puis ça donne des idées"
    Et là, tu hésites entre 3 réactions... parce que c'est des collègues, que tu bossent avec et que globalement tu les aimes bien
    La première, lui dire que si sérieusement elle a besoin de lire ce qu'il y a dans ce livre pour mouiller, tu plains sa vie sexuelle et son copain avant la lecture du livre (mais tu l'aimes bien ta collègue donc tu évites) ou que manifestement elle a zappé de grand pans de la littérature mondiale, là, c'est pas possible (tu évites aussi cette réflexion ) (accessoirement aussi, vous remarquerez que c'est jamais la personne qui a chaudement réagit à la lecture... c'est toujours une copine... XD)
    La deuxième option consiste à répondre que... non ce n'est pas une histoire d'amour, que c'est un truc bateau, que le syndrome de Cendrillon ça va bien, et que le type est un pervers psychopathe qui a besoin d'un psy... et que la relation n'a rien de SM ni de découverte du SM, puisqu'il contrôle TOUT! Et que c'est lui qui décide... et qu'elle a peur! (bon j'ai initié cette réaction j'avoue parce que voilà... sans aller expliquer la notion de SM parce qu'après les gens vous regardent bizarrement) (c'est magique ce truc, je peux lire 50 Shades sans problème, mais avoir juste des connaissances sur une pratique qui est bien expliqué dans 3 épisodes de CSI: Las Vegas sans regards en coin, ça non....)
    La troisième option (qui peut de toute façon se coupler avec les deux autres) c'est de sortir que sérieux en romance y'a de bien meilleurs bouquins, que ce truc même chez Harlequin mode traduction VF c'est 10 fois mieux écrit, et que même niveau sexe et romance y'a mieux. Depuis longtemps. Barbara Cartland c'était y'a longtemps, les gens...
    Et là, c'est le drame.
    Parce qu'il va falloir sérieusement m'expliquer pourquoi, quand je dis que je lis de la romance il faut que je fasse une démonstration du talent de Courtney Milan ou Loretta Chase (ou d'autres)qui écrivent des livres drôles, profonds, avec de vrais sous-textes parfois... bref de bons romans, tandis que le livre sus-nommé est une sombre bouse de romance, et lui c'est normal de le lire?
    Réponse: le marketing.
    On a dit aux gens qu'il fallait le lire, on a dit aux gens qu'il y avait du sexe, on a dit, répété aux gens qu'il avait eu énormément de succès comme fanfiction, qu'il venait de Twilight, qu'il était le symbole d'une nouvelle façon d'être édité (le monde de la fanfic). On leur a vendu dans un joli emballage. Même les critiques négatives c'est utile (comme dit l'adage "qu'ils parlent en bien, qu'ils parlent en mal, du moment qu'ils parlent de moi"). A peine sortie, 50 Nuances de Grey était déjà vendu comme un succès ET comme une bouse... qu'il fallait lire pour le critiquer. Même si c'est une romance. Comme elle a l'aval du dieu marketing, celle-ci ce n'est pas honteux de dire qu'on l'a lu.


    Bref, dans les fait, on s'est bien fait baiser par EL James.(sans mauvais jeu de mots)

    Qui outre le fait d'écrire des fanfiction, travaillait surtout comme productrice à la télé et donc le mari est aussi dans le monde de l'édition.


    Et entre temps, voici que l'on crée un besoin "oh la romance érotique c'est trop novateur et bien" et donc une niche... "les romances érotico-soft mit milliardaire produites à la chaine". Et le monde de l'édition se frotte les mains (à 15€ minimum le bouquin en grand format, ils peuvent).


    Ceci dit, les plus lucides sur le monde dans l'histoire, ça reste quand même mes élèves:
    "Mais Maitresse, si c'est bien Violetta, et puis c'est amusant, et puis je peux le lire vite, et puis tout le monde le lit... mais bon c'est vrai que les livres que tu nous lis toi, ils sont quand même plus mieux. Tu vas nous la finir un jour celle avec les fantômes de Noël?" (oui, oui, les enfants, je vais vous lire la fin d'un Chant de Noël de Dickens, promis... ^^)